Une fusillade. 12 morts. Le sourire se teinte de sang. Les français redécouvrent la liberté des mots, des dessins que permet la démocratie. La démocratie... en théorie. La liberté de la presse
n'est pas acquise. Elle est régulièrement remise en cause, même dans les démocraties et elle commence par l'autocensure.
Celle-ci peut être un jeu que l'on joue, dont on se joue. Regardez « l'étiquette » au sein des cours royales. C'étaient des codes à respecter. Nul ne pouvait dire ou faire quelque chose
qui ne seyait pas à la société qui lui faisait la faveur de l'accueillir, sous peine d'être exclu. L'étiquette n'est pas l'apanage des cours royales. N'est-elle pas le signe distinctif de moult
assemblées ? Celui qui déroge à une société codifiée la remet en cause...
N'était-ce pas ce que faisaient les chroniqueurs, les caricaturistes de Charlie Hebdo, déroger à l'étiquette, lutter contre le politiquement correct, provoquer, dire tout haut ce que d'aucun
pensait mais n'osait pas dire ?
Il y a aussi l'autocensure de la peur. Comment imaginer que dans des démocraties en 2014, soit retirée la projection d'un film parce que celle-ci est un objet de menaces ? Les médias ont
soulevé la question, peut-être devraient-ils la soulever plus souvent d'ailleurs, et le peuple attaché à la liberté d'expression, et à la liberté de voir ou de savoir, a réclamé la libération du
film !
N'était-ce pas ce que revendiquaient les chroniqueurs, les caricaturistes de Charlie Hebdo, rire de tout quitte à risquer la mort ?
Et puis, il y a la censure, celle que l’État impose parce qu'il a peur d'être raillé par son peuple. Le pouvoir se doit d'être beau, habillé de panache ! Nous croyons bien à tort que depuis
la Révolution et la Déclaration des Droits de l'Homme, il n'y a plus de censure. Or, Napoléon la rétablit en 1810, la Restauration (1815-1830) l'entretient, Louis-Philippe, allègrement mis en
scène par la caricature, lutte de toute sa force contre elle et ainsi de suite.
1891, la Troisième République vote une loi sur la liberté de la presse vite restreinte en 1892 ! Puis, la censure est clairement réinstallée pendant la Première Guerre mondiale. Mais, le
crayon se relève avec la création du Canard enchaîné en 1915, qui joue avec les censeurs. Et revoilà la guerre, Pétain, les nazis... Adieu la liberté des mots et des images.
1945, retour à la démocratie ! La Libération... de la presse ? Non, l'ORTF chapeaute les médias, et pendant la guerre d'Algérie, l’État surveille les journaux pour éviter qu'ils ne
dénoncent la torture.
Mai 1968, Révolution pour une Libération... de la presse ? Non. Un journal satirique, Hara Kiri né en 1960 est interdit de parution en 1970 suite à une banale Une sur la mort de De
Gaulle.
Mais, ses plumes se secouent et créent Charlie (en hommage à Charles de Gaulle) Hebdo ! 2006, leurs quelques dessins sur Mahomet sont trainés en justice. La liberté d'expression gagne (ce
n'est pas toujours le cas) !
N'était-ce pas ce que demandaient les chroniqueurs, les caricaturistes de Charlie Hebdo, la reconnaissance du droit à écrire et à dessiner ?
Ce qui vient de se passer témoigne d'une troisième censure, celle de la violence. 2011, locaux incendiés. Charlie se relève de ses cendres. 2015, massacre des auteurs qui savaient ce qu'ils
risquaient mais qui avaient décidé que ni la censure, ni l'autocensure ne briseraient leurs plumes. Seuls le sang et leur conscience y couleraient ! Ils sont morts, dans l'horreur. D'autres
auteurs se lèvent pour prendre la suite. Charlie Hebdo continuera de paraître. Bravo !
Maintenant, nous devrons rester attentifs à ce qu'un autre « politiquement correct » ne s'installe, inhibant d'autres Charlies !
Les libertés de parole, des mots et des dessins ne sont pas acquises. Nous devons les accepter, même quand elles nous dérangent.
Je suis Charlie.
Écrire commentaire